mercredi 21 octobre 2015

1) De l'importance du choix d'un milieu favorable.

Retourner à une vie plus simple, en harmonie avec la nature, exige de choisir une région qui convienne à nos besoins et à nos ressentis. J'ai choisi la côte Nord du Golfe de Gascogne qui présente bien des aspects intéressants, tant du point de vue des ressources disponibles que du climat particulièrement clément.

Lorsque l'on fait le choix d'un mode de logement alternatif, il faut garder à l'esprit que le dedans et le dehors se confondent souvent. C'est vrai pour mon petit pied-à-terre actuel de douze mètres carrés et cela le fut encore plus les dix jours où j'ai vécu en tente, dans une petite construction délabrée abandonnée depuis des années.

Cette expérience de vie est riche d'enseignements. Elle est en totale opposition avec l'habitat idéal promu par la société occidentale. Celui-ci permet de vivre sans sortir de chez soi, de s'encroûter dans une ambiance tiède où tout est à disposition. On peut ainsi passer l'hiver sans même ressentir le froid du dehors, pourvu que l'on vive dans un de ces logements dernier cri. Le prix à payer pour ce confort parfois asphyxiant est énorme : un enchaînement à des charges impayables et a fortiori au monde du travail, ce qui a pour conséquence d'éloigner un grand nombre d'individus de leurs choix de vie initiaux et de leurs aspirations. 

Une tente, une caravane ou même une yourte sont a contrario conçus pour permettre d'y manger, d'y dormir et d'y passer un agréable moment ; pas pour y vivre en vase clos 24h/24 et c'est tant mieux ! Elle est bien pauvre l'existence de celui qui de la vie, ne connaît qu'une succession de murs.
J'ai toujours considéré que la prison dorée était l'une des principales formes d'oppression que s'imposent eux-mêmes les gens, sous le double effet de la pression sociale et des discours lénifiants des promoteurs immobiliers et des marchands de sable en tout genre.

Cette spirale délétère amène également au développement d'une conception fausse de l'environnement qui est vu comme un décor destiné à nous servir, au sens productiviste du terme. Cette imposture a les effets que l'on sait : un pillage des ressources et une pollution généralisée. Elle fait montre également d'une profonde imprudence. Quiconque a déjà souffert de mauvaises récoltes, des ravages d'une tempête, d'une inondation ou d'une attaque d'animaux sauvages sait que la nature n'est pas un décor inerte.

Nous sommes des habitants de la terre comme les autres. Nous sommes autant des êtres soumis à ses fluctuations que des bénéficiaires de ses richesses.

Nous devons considérer aujourd'hui que la connaissance l'environnement est davantage une source de progrès humain que le repli béat derrière la croyance que l'habitat moderne nous protégera de toute catastrophe naturelle. C'est pourtant là l'opinion implicite d'une majorité silencieuse, malgré les derniers cataclysmes qui ont sévi avec de plus en plus de violence.

Un habitat léger, mobile, provisoire ou alternatif sera bien évidemment lui aussi soumis aux perturbations climatiques et à l'épuisement des ressources naturelles.

Je me suis donc mis en quête du milieu naturel le plus favorable possible. Très rapidement, mon choix s'est porté vers le littoral de l'Ouest français (Morbihan, Loire Atlantique, Vendée, Charentes, Aquitaine et îles avoisinantes). La mer et ses plages,  aujourd'hui réduites à des colonies pour touristes dans bon nombre de régions, fournit un air sain, riche en azote et permet le développement d'une faune et d'une flore dont l'humain peut, avec respect, tirer parti pour satisfaire ses véritables besoins. 




Partisan du retour à une alimentation qui soit cohérente avec la façon dont notre organisme est conçu (nous avons la mâchoire et l'appareil digestif des grands singes frugivores), j'ai décidé que le produit de mes récupérations d'invendus sur les nombreux marchés locaux - souvent des fruits, des légumes, du pain et du fromage  - constituerait l'essentiel de mon alimentation. À l'occasion, je complèterai ce régime par des fruits de mer dont les eaux de l'Atlantique regorgent. La pêche au filet y est légale et facile à maîtriser. Ici, la casserole de moules est servie au bistrot à partie de 9€ sur le littoral contre 22€ à la mer du Nord. Je peux vous certifier qu'elles n'en sont pourtant que meilleures.

Reste l'élément essentiel : l'eau.  Sur le littoral Atlantique, les toilettes publiques sont nombreuses (une dizaine dans la commune où je transite actuellement) mais rien n'indique que la consommation d'eau du robinet y est sans danger. Pour l'instant, je m'approvisionne en magasin et je complète souvent par des achats de thé, de bière et de vin. Je songe néanmoins très sérieusement à m'équiper d'un système simple de filtrage de l'eau des toilettes publiques ou accessoirement de l'eau du puits qui se situe dans un marais à proximité.

Depuis que je suis arrivé dans l'Ouest, je n'ai jamais regretté un seul instant le milieu que j'ai choisi pour expérimenter une vie alternative et pouvoir prouver ensuite à mes semblables, je l'espère, que la liberté n'est pas qu'une chimère.
L'air salubre du littoral m'a guéri d'une allergie affectant mes voies respiratoires et d'une fatigue chronique accablante. Je peux aujourd'hui marcher plus de vingt kilomètres par jour et respirer à plein poumons. La luminosité généreuse de l'Ouest (plus de 2000 heures d'ensoleillement par an contre un petit 1500 en Belgique) a également diminué les manifestations de la dépression saisonnière qui s'était imposée à moi comme à pas mal de belges, en raison d'un mode de vie "en tunnel", c'est-à-dire un quotidien subi au cours duquel les horaires de travail et de la SNCB nous privent de la lumière du jour, déjà si rare dans un pays où le ciel est souvent gris.

Beaucoup croient à tort que le climat des côtes de l'Atlantique et des mers adjacentes ne peut être que frais et humide. Or, de l'extrême-sud de la Bretagne à la Gironde, l'été est sec et aucun mois n'enregistre de pluviométrie record. De plus, il existe des micros-climats encore plus favorables sur les îles.

L'école nous enseigne, à coup de larges schémas, que toute la façade Atlantique de l'Europe se trouve dans une même zone climatique, qualifiée de tempérée océanique. Cela implique, par exemple, que le Nord du Portugal et l'Ecosse devraient partager de nombreuses caractéristiques climatiques. Or, mis à part que ces régions se trouvent proches de l'Océan et qu'elles n'appartiennent ni aux sphères tropicales ni aux sphères polaires, il n'y a pas grand point commun entre elles. Sans aller aussi loin, il m'est possible de comparer le climat des plaines belges  et celui, dit aquitain, des côtes du Golfe de Gascogne. Le premier est frais et humide une majeure partie de l'année avec de brusques changements de temps (courtes périodes de canicule en été ou de froid bien vif en hiver) tandis que le second est la plupart du temps, doux, ensoleillé et sans excès, ce qui profite à une végétation parfois franchement méridionale : pins des landes, palmiers et mimosas s'épanouissent là où je me trouve.

Depuis que j'y suis arrivé il y a trois semaines, la température au zénith oscille entre 15 et 20 degrés et le soleil a brillé chaque jour. Pour moi qui suis incommodé tant par l'humidité que par la chaleur, c'est le type de temps qui me convient parfaitement. La nuit, la température est rarement descendue sous les 10 degrés. Un soir, il m'a fallu enlever mon pyjama et ne laisser que ma chemisette tant l'air stagnant était presque chaud.

Les habitants m'ont appris que l'hiver était tout aussi clément, le même que sur la côte d'Azur paraît-il, c'est-à-dire un hiver court durant lequel la neige et les gelées sont rares. Ainsi, il n'y aurait pas de nécessité de chauffer son logis en continu. En revanche, les étés resteraient modérés contrairement au Sud français. Au lieu d'alterner des périodes de fraîcheur humide et de chaleur accablante comme en Belgique, les températures seraient souvent homogènes avec une vingtaine de degrés et du soleil. De surcroît, l'air serait rafraîchi par le bon air du large. Que demander de plus ? 

Le climat idéal n'existe pas pour autant. Ainsi, le seul jour où j'ai vu se profiler la pluie fut une expérience singulière. Un nuage noir est arrivé, poussé par la vent et il m'a fallu trouver abri très vite, tant cela tombait dru. Je suis rentré dans un café à peine une minute plus tard et j'étais déjà complètement trempé.

De même, la douceur profite à certaines créatures au comportement désagréable. Ainsi, après la forte averse, j'ai été attaqué dans la lande par une nuée de moustiques qui m'ont laissé sur le corps des dizaines de piqûres. Des guêpes continuent aussi à rôder près des poubelles en automne et les habitants m'ont rapporté avoir vu des vipères dans les hautes herbes. Il s'agirait de la vipère aspic dont la morsure peut être mortelle. 




Par ailleurs, ce climat qui bénéficie pleinement du courant marin chaud du Gulf Stream, peut aussi en subir les désagréments. Ainsi de violentes tempêtes venues du Sud peuvent balayer la côte et les îles.

Vous le comprendrez dans le prochain épisode qui évoquera la réhabilitation impossible d'une maisonnette abandonnée dans la lande, celle qui m'a offert un abri durant dix jours.








3 commentaires:

  1. Merci de nous faire voyager dans un univers qu'on avais presque oublier... la nature dans toute sa splendeur... je m'en jouis déjà de lire la suite de tes aventures&recherches&trouvailles&perceptions&savoirs...

    RépondreSupprimer
  2. Une belle aventure pour se trouver, se retrouver ...
    Bonne continuation !!!

    RépondreSupprimer
  3. Quel voyage! Une vraie source d'inspiration et de remise en question. Je te souhaite un bon retour à toi !!

    RépondreSupprimer